La table à feu est un classique dans les recherches des médiévistes.
Il existe à ce jour une seule représentation connue de celle-ci, sur la tapisserie de Bayeux.
Notre défi était lancé : reproduire cette table à feu.
Mais nous ne savions pas encore que nous allions découvrir d’autres objets familiers de nos cuisines modernes.
1ère Etape : Récupération d’une image propre de la tapisserie de Bayeux
Quelques questions se posent
Pour la table :
- Pourquoi les pieds ne sont pas de la même couleur ?
- Que représente l’objet au-dessus du récipient ?
- La représentation de la table est-elle à l’échelle, est-elle assez solide, peut-elle supporter le feu ?
- Est-elle démontable ?
A droite de la table, un autre objet éveille notre curiosité…
- Pourquoi voit-on 3 pieds, alors que pour la table à feu, nous n’en voyons que 2 ?
- Que représentent les différentes strates de couleurs à l’intérieur : rouge, marron, noir, marron puis rouge ?
- Que sont ces lignes fines horizontales au milieu ?
- Pourquoi le personnage à coté tient-il une grande fourchette incurvée ?
- Pourquoi y-a-t ‘il 2 feux au sol ?
- A quoi servent les anneaux de chaque côté ?
- Que font les aliments dessus ?
2ème Etape : Mettre l’image aux cotes réelles
Nous nous sommes basés sur le 1er personnage à gauche, qui nous a servi de référence échelle.
Nous avons pris l’hypothèse que ce personnage mesure 1,60cm.
3ème Etape : Dessin
Nous avons commencé à redessiner en 2 dimensions la table à feu située à gauche entre les 2 personnages tenant le porte gamelle, et ce que l’objet qui ressemble à une boite carrée avec 2 feux en-dessous, situé plus à droite sur l’image.
4ème Etape : Extraction
Nous avons extrait de l’image les personnages, pour garder l’essentiel des matières, la nourriture, et le matériel de cuisine.
5ème Etape : La modélisation en 3D a fait apparaître de nouvelles possibilités de réponses aux questions que l’on se posait
6ème Etape : Le résultat
Pour la table :
Pourquoi les pieds ne sont pas de la même couleur ?
Nous pensons que les brodeuses ont voulu montrer l’intérieur du pied. C’est pour cela que le pied gauche est vert avec une bande jaune, alors que le droit est orange.
Que représente l’objet au-dessus du récipient ?
Cela représente un porte-brochettes situé en- arrière-plan de la table à feu.
La représentation de la table est-elle à l’échelle, est-elle assez solide, peut-elle supporter le feu ?
La table fait 75 cm de haut et 85 cm de côté, ce qui parait cohérent pour faire cuire un récipient en suspension. Si la table était plus haute les cuisiniers ne pourraient plus regarder dans le récipient. Elle est également très solide avec des pieds de 6cm de cotés. Nous avons longuement discuté avec des médiévistes qui font leur cuisine sur des tables à feu similaires. Le cumul de terre est supposé faire 10 cm d’épaisseur. Nous avons considéré que le fond de la table était interchangeable au cas où la chaleur l’endommagerait.
Est-elle démontable ?
Pendant les périodes de guerre, un nombre incalculable de personnes travaillait autour des guerriers et des nobles. On peut supposer que pour gagner de la place, la table à feu était démontable et que des petites mains pouvaient la remonter rapidement avant que le cuisinier attaque ses préparations.
A l’inverse, on peut aussi imaginer que le cuisinier devait se dépêcher de faire cuire ses aliments et qu’il n’avait sûrement pas le temps de monter ou de faire monter la table. Il devait juste mettre de la terre dedans et commencer le feu.
Pour l’autre matériel de cuisson :
Pourquoi voit-on 3 pieds, alors que pour la table à feu, nous n’en voyons que 2 ?
Les brodeuses ont peut-être voulu faire de la perspective ! Comme on peut le voir pour le porte-brochettes qui se trouve au-dessus de la table à feu et qui semble en réalité plutôt se trouver en arrière-plan de celle-ci. Cette forme à 3 pieds est probablement un support carré à 4 pieds. Il a été tourné d’un quart pour pouvoir posé le cube, ce qui le rend parfaitement stable, le poids faisant le reste.
Que représentent les différentes strates de couleurs à l’intérieur : rouge, marron, noir, marron puis rouge ?
Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de comprendre, mais le fait qu’il y ait du feu au sol et que le personnage à coté tienne une grande fourchette, nous a incité à considérer qu’il y avait de la profondeur et que les aliments devaient être chauds.
Nous avons pris comme hypothèse que le rouge représente de la chaleur, que le marron évoque de la nourriture comme sur la grande fourchette et que le noir était le fond (plaque de métal).
Que sont ces lignes fines horizontales au milieu ?
Si le marron indique de la nourriture, alors il faut pouvoir la cuire en la positionnant au-dessus des braises. Nous avons supposé qu’elle était posée sur des grilles.
Pourquoi le personnage à coté tient-il une grande fourchette incurvée ?
Pour éviter de se brûler en prenant les aliments à l’intérieur du four.
Pourquoi y-a-t ‘il 2 feux au sol ?
L’hypothèse de 2 feux sous le même four, nous a paru peu probable. D’une part, pourquoi mettre 2 feux alors qu’un seul suffirait ? D’autre part, le feu à droite, dépassant de l’objet, « brûlerait » la partie en bois. Nous avons donc considéré qu’il y avait 2 fours l’un derrière l’autre avec un feu pour chaque four.
A quoi servent les anneaux de chaque côté ?
Au transport, nous avons fait le postulat que ce four ne pouvait être démontable, donc lourd à transporter. Les anneaux servaient donc probablement à faire glisser des pièces de bois pour le transport.
Que font les aliments sur la partie supérieure de l’objet ?
Nous avons supposé que la chaleur risquait d’abîmer la partie haute du four et que celle-ci devait donc être en métal. Les aliments pouvaient alors être soit cuit dessus, soit simplement posé pour rester au chaud.
5 /12/ 2015, nous continuons la piste de la table ainsi que le four, voici nos dernières trouvailles
Pour la table à feu, Fécamp Psautier, Normandie, 1180 AD
Pour le four, nous avons trouvé des images de la fourchette
Bien entendu, nous ne sommes pas historiens et nous n’émettons ici que des hypothèses.
Il s’agit surtout de vous décrire l’une de nos méthodes de recherche permettant par la suite de concevoir des plans cohérents et les plus fidèles possibles avec ce que devaient être les meubles anciens disparus.
Nous espérons avoir apporté une nouvelle vision sur l’art de cuisiner au XIème siècle.
Surtout, nous espérons que des historiens, des chercheurs, des propriétaires de collections privées mettrons à disposition leurs connaissances pour nous permettre d’enrichir la base de plans que nous mettons à la disposition des amateurs médiévistes.